Institut National de la Sante et de la Recherche Medicale
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DOSSIER DE PRESSE
Paris, le 21 octobre 1999
Expertise collective "Ethers de glycol - quels risques pour la santé ?"
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Claude Griscelli, directeur général de l'Inserm, a décidé la mise en place d'une expertise collective concernant les effets sur la santé des éthers de glycol, en réponse à la demande du ministère de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement (Direction
générale de l'administration et du développement) et du ministère de
l'Emploi et de la Solidarité (Direction des relations au travail et
direction générale de la santé).
Les éthers de glycol sont utilisés
en tant que solvants, surtout depuis une trentaine d'années, dans de
nombreuses préparations à usage industriel et domestique : peintures,
vernis, encres, colles, produits ménagers, pharmaceutiques et
cosmétiques… Ils permettent, de par leur double solubilité à la fois
dans l'eau et dans les corps gras (co-solvants eau-huile), de mélanger
entre elles des substances non miscibles.
Il existe plus de 30 éthers de glycol répartis en deux grandes familles :
- les dérivés de l'éthylène glycol,
- les dérivés du propylène glycol.
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Quatre éthers de glycol, du fait
d'une toxicité avérée chez l'animal, sont soumis, en France, à
restriction d'usage. Quels sont les effets des autres éthers de glycol
sur la santé ? Peut-on évaluer le risque chez l'homme pour l'ensemble
des éthers de glycol ? C'est à ces questions que l'expertise, en
faisant la synthèse des connaissances sur le sujet, s'est donné pour
objectif de répondre.
En principe, les éthers de glycol se
dégradent rapidement dans l'environnement. Leur durée de vie dans l'air
ne dépasse pas 24 heures. Dans l'eau et les sols, elle varie de 1 à 4
semaines.
Ces substances peuvent pénétrer chez
l'homme par voie pulmonaire ou cutanée, et accidentellement par voie
digestive. Comme elles sont peu volatiles, leur principale voie
d'entrée dans l'organisme est la peau.
Les transformations métaboliques des
éthers de glycol expliquent leur toxicité potentielle. Les éthers
dérivés de l'éthylène glycol sont transformés en aldéhydes, puis en
acides, potentiellement toxiques.
Les éthers dérivés du propylène
glycol, sont, quant à eux, dégradés en propylène glycol et en alcool,
puis finalement en gaz carbonique éliminé par la respiration.
Toutefois, certains composés minoritaires (isomères) présents dans les
préparations de dérivés du propylène glycol sont métabolisés en
aldéhydes et acides, comme les dérivés éthyléniques.
A priori, on s'attend donc à des effets toxiques plus importants pour les éthers dérivés de l'éthylène glycol que pour ceux dérivés du propylène glycol.
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La barrière cutanée aisément franchissable
Les éthers de glycol sont des
liquides, incolores modérément volatils, à odeur agréable, légèrement
éthérée. Ils pénètrent facilement dans l'organisme, surtout, par voie
cutanée, car ils sont amphiphiles (solubles dans l'eau et les
graisses). |
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QUATRE ETHERS DE GLYCOL SONT INTERDITS A L'USAGE DOMESTIQUE EN FRANCE
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LES ETHERS DE GLYCOLS SONT LARGEMENT UTILISES DANS L'INDUSTRIE
En leur qualité de bons solvants,
les éthers de glycol sont présents dans de nombreux produits
(peintures, vernis, teintures, colles, produits de nettoyage, fluides
d'usinage des métaux…) employés dans différents secteurs industriels.
Les concentrations en éthers de glycol dans ces préparations sont très
variables : de moins de 1% à 100 %.
Cependant, l'usage d'éthers de
glycol pur est peu fréquent. Il existe toutefois un cas particulier
(utilisation d'EGEEA) dans le domaine de la sérigraphie.
Dilués, les éthers de glycol avérés
toxiques restent dangereux, car ils sont plus facilement absorbés par
la peau. Tout contact direct avec ces éthers de glycol doit donc être
proscrit.
Une nouvelle tendance : les dérivés propylénique remplacent progressivement les dérivés éthyléniques
L'utilisation industrielle des
dérivés éthyléniques – réputés les plus toxiques – recule au profit de
celle des dérivés de la série propylénique. Au début des années 90,
trois-quart des éthers de glycol commercialisés appartenaient à la
série éthylénique. En 1997, le rapport s'est inversé.
L'exposition professionnelle aux éthers de glycol
Selon l'enquête SUMER (surveillance
médicale des risques) : 1994, ministère des affaires sociales, de la
santé et de la ville, 3,4 % des salariés de l'industrie en contact avec
des agents chimiques sont potentiellement exposés à des éthers de
glycol de la série éthylénique (EGME, EGEE, EGBE…). Des valeurs limites
de moyenne d'exposition, exprimées en concentration dans l'air des
lieux de travail, sont recommandées par le ministère chargé du Travail.
Mais le meilleur moyen d'évaluer l'exposition des travailleurs aux
éthers de glycol de la série éthylénique est le dosage des métabolites
urinaires, pour lesquels des valeurs seuils existent.
De telles mesures ont été réalisées
entre 1988 et 1993 par l'INRS*** Institut national de recherche et de
sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies
professionnelles *, en France, dans différents secteurs industriels.
Elles ont mis en évidence des expositions supérieures aux valeurs
limites pour certains éthers de glycol dérivés de l'éthylène glycol.
Ces expositions ont été décelées chez les travailleurs participant à la
fabrication de circuits imprimés (exposition à l'EGME), au traitement
par cataphorèse – traitement anticorrosion – dans l'industrie
automobile (exposition à l'EGBE), chez les peintres utilisant la
peinture par aérosol dans l'aéronautique (exposition à l'EGEEA) et,
enfin, parmi le personnel employé au nettoyage de voitures neuves
(exposition à l'EGBE).
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Les éthers de glycol les plus commercialisés en France (1)
Série éthylénique : EGME (2), EGEE (2), EGEEA (2), DEGEE, EGBE, EGBEA, DEGBE, DEGBEA
Série propylénique : 2PG1ME, 2PG1MEA, DPGME, 2PG1EE, 2PG1EEA
(1) = source : syndicat de
l'industrie chimique et organique de synthèse et de la biochimie, et
fédération internationale des peintures, encres et colles
(2) = interdits à l'usage domestique |
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L'EVALUATION DES DANGERS
La grande majorité des études
publiées sur les effets toxiques potentiels des éthers de glycol
concernent les quatre interdits à l'usage domestique (EGME, EGMEA,
EGEE, EGEEA) ainsi que l'EGBE et son acétate. Ces effets, touchant
différentes fonctions, ont été mis en évidence chez l'animal. Les
données issues des études épidémiologiques ou d'observations cliniques
effectuées chez l'homme vont dans le même sens que les résultats
expérimentaux.
Pour les autres dérivés de
l'éthylène glycol, les études sont fragmentaires. Quant aux dérivés du
propylène glycol, ils ne présentent pas, selon les données disponibles,
d'effets délétères notables (en dehors de l'isomère 1PG2ME). Cependant,
peu de travaux ont fait l'objet de publications scientifiques.
Les données expérimentales
Les effets génotoxiques et cancérogènes (voir tableau ci-dessous)
Certains éthers de glycol exercent
leur toxicité par l'intermédiaire des métabolites acides et plus encore
aldéhydes. Ceux-ci sont capables de pénétrer dans le noyaux des
cellules et d'altérer la structure et le fonctionnement du génome
régissant la croissance et le développement cellulaires.
Des résultats récents classent
l'EGBE en tête pour les propriétés génotoxiques in vitro, suivi de
l'EGEE et de l'EGME. Dans les études in vivo, une génotoxicité est
montrée avec l'EGME et le DEGME. Les résultats disponibles pour les
dérivés du propylène glycol ne montrent pas d'effets génotoxiques.
Un effet cancérogène a été mis en
évidence, en 1998, pour un seul éther de glycol. Il s'agit de l'EGBE
qui – selon une étude américaine sur des animaux traités pendant 2 ans
– induit des tumeurs chez la souris.
Les effets sur la fonction de reproduction et la fertilité (voir tableau ci-dessous)
Chez l'animal, l'EGME est un toxique testiculaire unanimement reconnu,
qui induit une baisse de la production des spermatozoïdes et, par
conséquent, de la fertilité. La toxicité testiculaire de l'EGEE est
également démontrée. Elle est probable pour certains autres dérivés de
l'éthylène glycol** en particulier des dérivés méthylés. Chez la femelle, une toxicité sur les ovaires a parfois été observée.
Il faut souligner que l'espèce
humaine présente un potentiel de fertilité beaucoup plus faible et
fragile que les animaux de laboratoire. Cela doit être pris en
considération pour l'extrapolation des données de l'animal à l'homme,
lors des évaluations de risque.
Les effets sur le développement (voir tableau ci-dessous)
La plupart des éthers de glycol
commercialisés ont fait l'objet de recherches chez l'animal pour leur
toxicité sur le développement. Les effets, quand ils existent, peuvent
se manifester par une mort fœtale (fœtotoxicité) ou par l'apparition de
malformations (tératogénicité). Ces deux effets sont démontrés avec
l'EGME et l'EGEE. Ils sont également probables pour d'autres éthers de
glycol de la série éthylénique (en particulier des dérivés méthylés).
La plupart des travaux menés avec les dérivés du propylène glycol ne
mettent pas en évidence d'effet sur le développement, à l'exception
notable de l'isomère 1PG2ME.
La toxicité sur les cellules du sang (voir tableau ci-dessous)
Chez l'animal, certains éthers
dérivés de l'éthylène glycol présentent la propriété de détruire les
globules rouges (hémolyse). Cet effet est réversible dans le temps. Les
globules rouges humains y sont beaucoup moins sensibles.
Avec d'autres éthers dérivés de
l'éthylène glycol, une atteinte des cellules de la moelle osseuse,
accompagnée d'une diminution du nombre de globules blancs a été
observée. De plus, certains de ces éthers de glycol provoquent une
déplétion en lymphocytes, responsable d'immunosuppression.
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Questions de méthodologie
Les méthodologies des études sur les
éthers de glycol sont hétérogènes et rendent difficile l'analyse
comparée des effets des différentes familles d'éthers de glycol. Les
travaux ne peuvent être mis en regard lorsqu'ils ne sont pas effectués
sur les mêmes espèces, voire les mêmes lignées d'animaux, ni par les
mêmes voies d'administration. Il est important de mettre en place des
protocoles standards pour l'étude de ces effets. |
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Les données chez l'homme
Chez les salariés exposés aux éthers
de glycol (EGME, EGEE et leurs acétates), plusieurs travaux ont
rapporté une diminution du nombre de globules blancs et des anémies
traduisant l'effet sur la moelle osseuse. Ce phénomène, généralement
réversible, disparaît à l'arrêt de l'exposition. A la lumière de ces
données, les experts recommandent de réaliser une surveillance
hématologique (hémogramme) régulière chez les travailleurs exposés à
l'EGME, l'EGEE et leurs acétates.
Les résultats d'études
épidémiologiques suggèrent un lien entre infertilité masculine et
exposition professionnelle à l'EGME et l'EGEE. Il est souhaitable que
les médecins du travail soient formés à la surveillance des effets sur
la reproduction (par des questions posées aux travailleurs sur la
difficulté à concevoir un enfant).
Une diminution de la fertilité a été
rapportée chez des femmes travaillant dans les secteurs les plus
exposés aux éthers de glycol. D'après les deux grandes études menées
aux Etats-Unis, à la fin des années 80, dans l'industrie des
semi-conducteurs, une exposition professionnelle à certains éthers de
glycol augmenterait le risque d'avortement spontané.
Les études sur les malformations
congénitales sont encore trop peu nombreuses pour conclure à un risque
lié à l'exposition à ces produits.
Les femmes qui travaillent dans des
secteurs employant les éthers de glycol à risque devraient être
soustraites d'une éventuelle exposition dès qu'une grossesse est
présumée.
Les quelques études épidémiologiques
concernant la relation entre exposition aux éthers de glycol et
différents types de cancers chez l'homme n'apportent pas de résultats
aujourd'hui convaincants sur un effet cancérogène de ces solvants.
Etant donné les résultats obtenus avec l'EGBE quant à la
cancérogénicité chez la souris, il est important de poursuivre les
recherches, à la fois expérimentales, cliniques et épidémiologiques,
sur les effets à long terme des éthers de glycol.
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Les intoxications aiguës
Chez l'homme, la toxicité aiguë,
rarement répertoriée pour les éthers de glycol, est généralement due à
une ingestion accidentelle du produit. Elle peut être responsable de
troubles neurologiques, hématologiques, métaboliques et rénaux sévères.
Le traitement, spécifique, de
l'intoxication se fait par l'administration d'un inhibiteur d'une
enzyme impliquée dans le métabolisme des éthers de glycol. |
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TABLEAU : Ethers de glycol aux effets toxiques (résultats d'études effectuées sur l'animal)
Dans ce
tableau, ne sont pas rapportés 5 éthers de glycol de la série
éthylénique pour lesquels les données sont insuffisantes. De même, n'y
figurent pas 13 éthers de glycol de la série propylénique : ils ne
présentent pas d'effets toxiques sur le développement, ni de
génotoxicité, d'après les études publiées dans des revues scientifiques
ou menées par les producteurs industriels.
- | Effets biologiques |
- | Repr m | Repr f | Dév | Tox méd | Hémol | Tox imm | Génotox | Cancéro |
EGME | +++ | ++ | +++ | +++ | +/- | +++ | +++ | nd |
EGDME | ++ | nd | ++ | nd | nd | nd | nc (-) | nd |
DEGME | +/- | nd | ++ | ++ | nd | ++ | +++ | nd |
DEGDME | +++ | nd | ++ | ++ | nd | + | nc(-) | nd |
TEGME | + | nd | + | nd | nd | nd | nc(-) | nd |
TEGDME | ++ | ++ | ++ | nd | nd | ++ | nd | nd |
- |
EGEE | +++ | ++ | +++ | +++ | + | +++ | +++ | -- |
EGDEE | nd | nd | ++ | nd | nd | nd | nd | nd |
DEGEE | ++ | nc(-) | -
uniquement in vitro | nd | nd | nd | nc(-/+) | nd |
- |
EGiPE | - | nd | nc(-/+) | nd | +++ | nd | nd | nd |
EGnPE | -/+ | nd | + | + | +++ | ++ | nd | nd |
EGPhE | + | + | - | nd | +++ | nd | nc(-) | nd |
- |
EGBE | - | + | ++ | -/+ | +++ | -/+ | +++ | ++ |
DEGBE | -/+ | - | - | -/+ | + | -/+ | nc(-/+) | nd |
- |
1PG2ME | nc(-) | nd | ++ | nd | nd | nd | nc(-) | nd |
Repr m : altération reproduction mâle
Repr f : altération reproduction femelle
Dév : perturbation développement fœtal et embryonnaire
Tox méd : toxicité médullaire
Hémol : hémolyse
Tox imm : immunotoxicité
Génotox : génotoxicité
Cancéro : cancérogénicité.
nc : non pris en considération car études non publiées dans des revues scientifiques à comité de lecture
nd : pas de données disponibles. |
+, ++, +++ : effets toxiques croissants, en l'état actuel des connaissances
- : innocuité, en l'état actuel des connaissances
-/+, +/- : résultats divergents selon les études (toxicité et absence de toxicité) |
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LES PRINCIPALES RECOMMANDATIONS
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Qu'est ce que l'expertise collective?
L'expertise collective Inserm
s'inscrit dans la mission de l'Institut en matière de santé publique.
Elle fait le point, dans un domaine précis, sur les connaissances
scientifiques et médicales. Pour répondre à une question posée par les
pouvoirs publics ou le secteur privé, l'Inserm réunit un groupe
pluridisciplinaire composé de scientifiques et de médecins. Ces experts
analysent la littérature scientifique internationale et en synthétisent
les points essentiels. Des recommandations sont ensuite élaborées afin
d'aider le demandeur dans sa prise de décision. |
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Qui a réalisé cette expertise ?
Le groupe de 8 experts
- Martin Catala (embryologie, Hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris)
- Sylvaine Cordier (épidémiologie, Unité Inserm 170, Villejuif)
- Marcel Delaforge (pharmacologie, CEA, Saclay-Gif/Yvette)
- Pierre Fenaux (hématologie, Institut Gustave Roussy, Villejuif)
- Robert Garnier (toxicologie, Hôpital Fernand Widal, Paris)
- Luc Multigner (épidémiologie, Unité Inserm 292, Kremlin-Bicêtre)
- Isabelle Rico-Lattes (chimie, CNRS, Toulouse)
- Paule Vasseur (écotoxicité, Centre des sciences de l'environnement, Metz)
La coordination scientifique a été assurée par le service d'expertise collective de l'Inserm (service commun n°14), sous la responsabilité de Jeanne Etiemble |
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Contact presse Inserm
Tél : 01 44 23 60 84
Fax : 01 45 70 76 81
Mél : presse@tolbiac.inserm.fr
L'expertise collective sur les éthers de glycol est publiée sous le titre :
"Ethers de glycol – quels risques pour la santé ?"
Editions Inserm, 1999, 348 p., 150 F.
Tél : 01 44 23 60 82
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